Quand la recherche s'arrête

Quand la recherche s'arrête

La quête de la libération peut parfois être profondément frustrante. Elle est simplement une expérience parmi d'autres, qui peut durer plus ou moins longtemps.
Un exemple souvent rencontré chez les chercheurs spirituels :
« Cela fait des années que je cherche. Je sais que la libération, c’est la fin de la souffrance, et c’est ce que je désire plus que tout. Je fais tout ce que je peux : méditation, stages, retraites, voyages en Inde… Et malgré tous mes efforts, ça ne marche pas. Par moments, une belle expérience m’apaise, je crois toucher quelque chose… mais très vite, tout recommence. Je me sens épuisé, découragé. »
Ce n’est pas que toutes ces pratiques soient inutiles – elles peuvent même nous rapprocher de ce fameux point de bascule. Ce moment unique où ce n’est plus « moi » qui vis une expérience, mais la conscience elle-même qui se reconnaît. L’Être, le Soi, peu importe le nom qu’on lui donne, se révèle dans son évidence impersonnelle. Il ne s’agit plus de comprendre, mais de voir. De vivre.
Quand cela est vu clairement, totalement, la recherche s’arrête. Pourquoi ? Parce qu’il est alors vu qu’il n’y a jamais eu de chercheur. Le chercheur, ce sont les pensées, le mental, l’histoire qu’on se raconte. Et il n’est pas nécessaire de comprendre cela mentalement : cela se vit, dans l’instant. Tant que ce n’est pas vu, on tourne en rond dans l’identification, et cela devient épuisant, frustrant, voire désespérant.
Mais une seule vision claire suffit. Et après, c’est terminé.

Comment alors voir clairement ?

C’est là le paradoxe : on ne peut pas atteindre cela. Ce n’est ni un acquis, ni une compréhension, ni un effort. Cela survient. C’est soudain. Inattendu. Comme un éclair qui dissout le nuage.
La recherche elle-même est un refus de ce qui est. Et tant que l’on veut autre chose que ce qui est, on passe à côté de l’évidence… Ce mouvement d’opposition intérieure, c’est ce qui crée la souffrance. Le plus amusant – et souvent cela provoque un grand éclat de rire quand c’est vu – c’est que la recherche de la libération, censée nous libérer de la souffrance, est justement ce qui l’entretient.
On pourrait dire autrement : c’est l’ajout de l’interprétation mentale à ce qui est, qui provoque la souffrance, la frustration, l’agitation.
Vivre ce qui est, simplement, sans y superposer d’idées, sans vouloir que ce soit différent. Les pensées arrivent toutes seules, inutile d’en rajouter. Le mental n’est pas un ennemi ; il a son utilité – pour apprendre, organiser, dialoguer… mais il ne peut pas saisir cela. Parce que cela ne se comprend pas : cela se vit.
Et c’est ce que nous cherchons tous, à travers cette quête souvent intense : ce point de bascule où « tout se fait ». Là où il n’y a plus rien à faire, plus rien à vouloir ou à modifier. Même l’idée de « ne rien faire » est déjà de trop… car elle vient encore d’un faire subtil. C’est encore plus simple que cela.
Dans cette évidence, la vie se révèle telle qu’elle est : infiniment simple, et pourtant d’une richesse parfaite. Il n’y a plus rien à ajouter, plus rien à enlever. Tout est déjà là, parfaitement à sa place. La paix n’est pas dans une expérience spectaculaire, mais dans la fin de la résistance, dans l’accueil total de ce qui est. Et alors, la vie peut être vécue dans toute sa plénitude, dans une simplicité pleine de grâce, libre du besoin de devenir quoi que ce soit d’autre.